Résiliation unilatérale sans faute : l'acheteur public peut écarter toute indemnisation du titulaire Abonnés
L'acheteur public dispose du droit de résilier unilatéralement le marché pour un motif d’intérêt général et ce, même en l’absence de clause contractuelle en ce sens. La contrepartie à ce droit est l’entière indemnisation du titulaire qui, par définition, n’a commis aucune faute.
Les motifs de résiliation pour intérêt général sont être, par exemple : l’abandon d’un projet, notamment en raison des difficultés techniques rencontrées en cours d’exécution, ou encore le fait, non fautif, que le cocontractant ne dispose plus de garanties suffisantes pour remplir ses obligations.
Le titulaire peut réclamer l'indemnisation totale du marché
La contrepartie du droit de résilier dans l’intérêt du service public réside dans le droit à indemnité totale du titulaire du marché. En effet, le juge a estimé que la résiliation pouvait intervenir en vertu du pouvoir appartenant à la collectivité de rompre le contrat sous réserve d’indemniser l’entrepreneur des pertes résultant pour lui de la résiliation, et de lui accorder, le cas échéant, les dédommagements auxquels il peut légitimement prétendre (CE, 2/05/1958, Distillerie de Magnac-Laval).
Attention : cette indemnisation doit couvrir l’intégralité du dommage subi par le titulaire du marché, à condition qu’il puisse en justifier le montant, et que cela n’aboutisse pas à un enrichissement indu. Cette indemnisation prend en compte les dépenses engagées ainsi que le gain manqué par le titulaire.
Conseil : en l'absence de clause contractuelle, l'acheteur public a tout intérêt à négocier le montant de l’indemnité ; cette procédure peut s'inscrire dans le cadre d'un protocole transactionnel. Mais, si les parties ne parviennent pas à un accord dans un délai de 6 mois à compter de la date de résiliation sur le montant de l’indemnité, la collectivité verse au titulaire, qui en fait la demande, le montant qu’il a proposé (art. 100, CMP).
Toutefois, l'acheteur public peut exclure toute indemnisation du titulaire
L'acheteur public peut, par une clause prévue au cahier des clauses administratives particulières, exclure toute indemnisation.
Dans une affaire, le préfet de la région Bretagne avait conclu un marché à bons de commandes sans minimum ni maximum avec la société AB Trans pour le transport de farines animales. Durant l'exécution de ce marché, le préfet a notifié à cette société la résiliation du marché à compter du 1er janvier 2004. Saisie par la société, la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, condamné l'État à indemniser la société de la perte de marge nette subie du fait de l'absence de mise en œuvre effective de 80% des bons de commande émis. Mais elle a refusé d'inclure dans le préjudice subi le coût d'acquisition de bennes et de tracteurs et a, d'autre part, rejeté les conclusions de la société tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de cette résiliation, au titre de la période postérieure au 1er janvier 2004.
L’article 11 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable à un marché à bons de commande sans minimum ni maximum, pour le transport de farines animales, prévoyait que la personne responsable du marché pourra mettre fin au marché sans indemnité et à tout moment par décision de résiliation qui devra être notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception. La société soutenait que cet article devait être regardé comme nul pour le caractère protestatif qu’il présentait, et pour l’atteinte au droit à l’équilibre financier du contrat qu’il portait. Elle reprochait aussi à la cour administrative d’appel d’avoir commis une erreur de droit en jugeant que sa mise en œuvre n’était pas subordonnée à l’existence d’un motif d’intérêt général.
Saisi, le Conseil d'État a jugé que, si les principes généraux applicables aux contrats administratifs permettent aux personnes publiques, sans qu’aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucune stipulation contractuelle ne le prévoient, de résilier un contrat pour un motif d'intérêt général, sous réserve de l’indemnisation du préjudice éventuellement subi par le cocontractant, ces mêmes principes ne s’opposent pas à ce que des stipulations contractuelles écartent tout droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat par la personne publique.
CE, 19/12/2012, société AB Trans, n° 350341 et 350399
Ludovic Vigreux le 06 juin 2013 - n°12 de La Lettre des Marchés Publics et de la commande publique
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