Quand l’émission d’un bon de commande entraîne une modification substantielle de l’accord-cadre et un contentieux avec un soumissionnaire évincé Abonnés
Dans une récente affaire (TA Rouen, 03/05/2024, n° 2200408), la commune de Rouen a lancé un appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un accord-cadre à bons de commande portant sur les travaux d’entretien de bâtiments ; elle a attribué le lot n°10 relatif à la « rénovation en taille de pierre « à la société Normandie Rénovation. La commune a notifié à cette société un bon de commande de 4 919 567,25 € HT pour les travaux sur les façades du transept sud de l’abbatiale Saint-Ouen. La société T.E.R.H. Monuments Historiques, soumissionnaire évincé, réclame la condamnation de la commune à réparer le préjudice subi du fait du bon de commande litigieux et de sa perte de chance sérieuse d’obtenir l’accord-cadre.
Saisi, le tribunal administratif de Rouen rappelle qu’aux termes de l’article 139 du décret du 25 mars 2016 applicable à l’accord-cadre litigieux, l’acheteur peut modifier un marché lorsque cela est rendu nécessaire par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir, lorsque la modification n’est pas substantielle.
Une modification est considérée comme substantielle lorsqu’au moins une des conditions suivantes est remplie :
- elle introduit des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage d’opérateurs économiques ou permis l’admission d’autres opérateurs économiques ou permis le choix d’une offre autre que celle retenue ;
- elle modifie l’équilibre économique du marché en faveur du titulaire d’une manière qui n’était pas prévue dans le marché public initial ;
- elle modifie considérablement l’objet du marché.
Le juge relève que le bon de commande litigieux concerne la restauration du portail des marmousets et du bras sud du transept de l’abbatiale, comprenant la restauration de sculptures et des sculptures neuves ; par conséquent, il estime qu’ « il n’y a donc pas d’identité d’objet et de nature entre les prestations prévues par le contrat initial et les prestations confiées par le bon de commande ».
Le tribunal administratif considère que ce bon de commande de 4 919 567,25 € constitue un bouleversement manifeste en faveur du titulaire du marché de l’économie de l’accord-cadre.
De plus, « au regard du changement par le bon de commande litigieux des quantités commandées, le prix des pierres pouvant baisser par économie d’échelle, de la nature des prestations, notamment les différentes tailles de pierres demandées, et de l’augmentation du nombre d’échafaudages nécessaires, le bon de commande a introduit des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale, auraient permis le choix d’une offre autre que celle retenue ».
Le tribunal administratif juge que la commune a procédé à une modification substantielle à l’accord-cadre.
Olivier Mathieu le 05 juin 2024 - n°133 de La Lettre des Marchés Publics et de la commande publique
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