Rapport d’analyse des offres : rappels réglementaires et recommandations pour éviter les contentieux Abonnés
En procédure formalisée, l’acheteur public doit établir un rapport de présentation de la procédure de passation des marchés, communément appelé le rapport d’analyse des offres. L’objectif de ce rapport de présentation est de retracer toutes les opérations qui ont conduit à la conclusion du marché public. Il comporte, en particulier, les éléments concernant le contexte et l’économie générale de la consultation, toutes les étapes de la procédure de passation ainsi que les décisions prises sur les candidatures et des offres reçues. Y sont également détaillées, les informations relatives à l’offre retenue et à l’attributaire ou aux éventuels sous-traitants déclarés.
Conseil : le rapport de présentation, obligatoire dans le cadre des marchés publics passés selon une procédure formalisée, est facultatif en procédure adaptée (Mapa) ; il est néanmoins fortement recommandé d’y recourir : l’acheteur a tout intérêt à rédiger ce rapport, même de façon synthétique, car il donne davantage de transparence à la procédure de mise en concurrence et permet de motiver le choix du titulaire devant les élus, les citoyens et les candidats évincés et d’éviter tout contentieux.
Les éléments d’un rapport de présentation (art. R. 2184-1 à R. 2184-6, CCP)
Le rapport de présentation comporte au moins les 5 éléments suivants :
1° le nom et l'adresse de l’acheteur public, l'objet et la valeur du marché ;
2° le nom des candidats exclus et les motifs du rejet de leur candidature ;
3° le nom des candidats sélectionnés et les motifs de ce choix ;
4° le nom des soumissionnaires dont l'offre a été rejetée et les motifs de ce rejet y compris, le cas échéant, les raisons qui ont amené l'acheteur public à la juger anormalement basse ;
5° le nom du titulaire et les motifs du choix de son offre, ainsi que, si ces informations sont connues, la part du marché que le titulaire a l'intention de sous-traiter à des tiers et le nom des sous-traitants.
Ce rapport comporte, lorsqu'il y a lieu, les éléments suivants :
- 1° Les motifs du recours à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence préalables, à la procédure avec négociation ou au dialogue compétitif.
- 2° Les motifs pour lesquels l’acheteur public n'a pas alloti le marché, s'il ne les a pas indiqués dans les documents de la consultation.
- 3° Les raisons pour lesquelles un chiffre d'affaires annuel minimal supérieur à deux fois le montant estimé du marché ou du lot, lorsque celles-ci n'ont pas été indiquées dans les documents de la consultation.
- 4° Les raisons pour lesquelles l’acheteur public a sollicité l'utilisation de moyens de communication autres que les moyens électroniques pour la transmission des offres.
- 5° La description des mesures prises par l’acheteur public pour s'assurer que la concurrence n'a pas été faussée par des études et échanges préalables avec des opérateurs économiques ou par la participation d'un opérateur économique à la préparation du marché.
Précision : lorsqu’un candidat ou soumissionnaire, ou une entreprise liée à un candidat ou à un soumissionnaire, a donné son avis au pouvoir adjudicateur, que ce soit ou non dans le cadre d’un sourcing, ou a participé d’une autre façon à la préparation de la procédure de passation de marché, l’acheteur public doit prendre des mesures appropriées pour veiller à ce que la concurrence ne soit pas faussée par la participation de ce candidat ou soumissionnaire. Ces mesures consistent notamment à communiquer aux autres candidats et soumissionnaires des informations utiles échangées dans le contexte de la participation du candidat ou soumissionnaire susmentionné à la préparation de la procédure, ou résultant de cette participation et à fixer des délais adéquats pour la réception des offres. Le candidat ou soumissionnaire concerné n’est exclu de la procédure que s’il n’existe pas d’autre moyen d’assurer le respect du principe de l’égalité de traitement.
Avant qu’une telle exclusion ne soit prononcée, les candidats ou soumissionnaires se voient accorder la possibilité de prouver que leur participation à la préparation de la procédure n’est pas susceptible de fausser la concurrence.
- 6° Les conflits d'intérêts décelés et les mesures prises en conséquence.
- 7° Les raisons pour lesquelles l’acheteur public a renoncé à passer un marché ou instaurer un système d'acquisition dynamique.
Conseil : sur la base des éléments figurant dans l'avis d'appel public à la concurrence, le règlement de consultation ou la lettre d’invitation à soumissionner ou à participer au dialogue, l’acheteur public a tout intérêt à indiquer :
- la date, les références ainsi que le nom de l’organe de publication relatifs à chacun des avis d’appel public à la concurrence qui a été publié ;
- la date et l’heure limites de réception des offres ;
- le délai de validité des offres ;
- si une demande de précisions ou de compléments sur la teneur des offres reçues a été réalisée.
Les rapports d’analyse des offres : des pièces scrutées par le juge des Comptes
La présentation du rapport d’analyse des offres doit être exhaustive et argumentée
La chambre régionale des Comptes des Hauts-de-France a procédé à l’examen des comptes et de la gestion de l’Union des secteurs d’énergie du département de l’Aisne (USEDA) : il s’agit d’un syndicat mixte composé de 792 communes membres, qui exerce sa compétence historique d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité au profit de 288 000 abonnés.
Concernant le volet « commande publique », le juge a notamment relevé que les rapports d’analyse des offres étaient sommaires et que les rapports ne permettent pas de comprendre comment s’est opérée la sélection de l’attributaire du marché était sélectionné car la méthode de notation n’est pas systématiquement explicitée et les grilles d’évaluation ne sont pas jointes. Le juge des Comptes rappelle que « le code de la commande publique prévoit, en son article R. 2184-2, l’établissement d’un rapport de présentation à l’issue des procédures menées, lorsque la valeur du marché passé dépasse les seuils européens.
Enfin, la chambre régionale des Comptes a relevé que les rapports de présentation du syndicat ne comportent pas d’indications, d’une part, sur le nom des soumissionnaires dont l’offre a été rejetée et les motifs de ce rejet et, d’autre part, sur le nom du titulaire et les motifs du choix de son offre.
Le titulaire doit être l’opérateur économique dont l’offre a été classée en 1ère position dans le rapport d’analyse des offres
La chambre régionale des Comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur a examiné les comptes de la gestion de la commune de Barjols, commune d’environ 3 000 habitants et bourg de la communauté de communes Provence Verdon (CCPV) située dans le Haut-Var ; elle a relevé une grave anomalie sur un marché de maîtrise d’œuvre puisque le candidat retenu comme titulaire n’est pas celui qui a obtenu la meilleure note dans le RAO (leur offre est arrivée en 2ème position). Le juge des Comptes relève que « le courrier d’information au candidat non retenu arrivé premier dans le classement, daté du 6 septembre 2016, fait état d’une note finale différente de celle indiquée dans les annexes du RAO : alors qu’il avait obtenu une note de 46/60 sur la valeur technique de son offre, ce courrier indique qu’il a obtenu une note de 42/60, conduisant à une note finale inférieure de 0,33 point à celle du candidat arrivé second ».
Dater et signer le rapport d’analyse des offres pour lui donner une valeur probante
Telle est la règle rappelée par la chambre régionale des Comptes des Pays de la Loire lors de l’examen des comptes et de la gestion de Pornic Agglo Pays de Retz. Le juge des Comptes relève que « les rapports d’analyse des offres, qui constituent pourtant une pièce centrale pour justifier de la régularité et de l’efficacité de l’achat public, ne se présentent pas tous de la même manière et sont parfois simplement formalisés sur un tableur ni daté, ni signé et sans aucune valeur probante.
De tels rapports gagneraient à être visés et datés de façon systématique par l’ensemble des personnes intervenant dans les procédures de passation afin de garantir la traçabilité de leur intervention et d’opérer un meilleur contrôle, tant en ce qui concerne la régularité de la procédure de mise en concurrence que de l’opportunité de l’achat : a minima, ces rapports devraient être signés et datés par le service qui a procédé à l’évaluation du besoin et des offres des candidats, par le responsable du service commande publique et par l’élu chargé des marchés.
L’acheteur public ne peut pas analyser sommairement les offres ; il doit évaluer finement leur valeur respective au regard de chaque critère de jugement
Dans une affaire (TA, 06/06/2023, n° 2304098), le centre intercommunal de gérontologie (CIG) de Linselles Bousbecque (Nord) a publié un appel d’offres relatif à la réalisation de travaux de restructuration, d’extension et de mise aux normes d’un de ses établissements. La société Rabot Dutilleul Construction, dont l’offre a été rejetée pour le lot n°1, au profit de celle présentée par la société Voirie Assainissement Travaux Publics, réclame l’annulation des décisions se rapportant à la phase d’analyse des offres de la procédure de passation.
Saisi, le tribunal administratif de Lille indique que la société Rabot Dutilleul Construction et la société Voirie Assainissement Travaux Publics ont, sur 17 des 18 sous-critères des critères d’attribution autres que celui du prix, obtenu la même note, à savoir la note maximale, seul le onzième sous-critère du critère de la valeur technique a donné lieu à une notation différente. Il s’avère que le CIG a porté des appréciations qui sont, pour l’essentiel, identiques. Selon ces appréciations, ces sociétés ont, chacune, soit " décrit ", soit " fourni ", soit " mentionné ", soit " mis en place ", soit " présenté ", soit " développé " les éléments exigés.
Le tribunal considère que ces notes identiques et les mentions littérales les justifiant révèlent, en l’absence de toute appréciation effective de la valeur des offres sur ces sous-critères, que le CIG Linselles Bousbecque a neutralisé les critères d’attribution autres que celui du prix, et, ce faisant, manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Ce manquement est susceptible d’avoir lésé la société Rabot Dutilleul Construction dès lors qu’il ne saurait être exclu que, si ces critères n’avaient pas été neutralisés, son offre aurait été classée première.
L’acheteur public doit veiller à ce que la note soit cohérente avec les commentaires du rapport d’analyse des offres
Dans une affaire (CAA Bordeaux, 14/06/2021, n° 19BX01864), la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) a publié un marché à procédure adaptée de travaux pour la réalisation d'un réseau d'assainissement collectif d'eaux usées. La CINOR a attribué le marché à la société Ouest BTP ; un candidat évincé, la société Pico Oi, demande l'annulation de ce marché et l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière.
Saisie, la Cour administrative de Bordeaux indique que les trois critères d'attribution étaient le prix, pondéré à 50 %, la valeur technique, pondérée à 45 % et la performance environnementale, pondérée à 5 %. La valeur technique est appréciée à partir de trois sous-critères, tenant à l'organisation, la description des moyens mis en œuvre pour l'exécution des prestations. Au regard des extraits du rapport d'analyse des offres produits par la CINOR, la Cour relève que, pour le sous-critère n° 1 du critère technique, relatif aux moyens, les deux entreprises ont obtenu la même note de 5,5/7, alors que l'offre de la société Pico Oi a été jugée " satisfaisante " et celle de la société Ouest BTP a été jugée seulement " moyenne ". S'agissant du sous-critère 2.1, relatif à la méthodologie générale, l'offre de la société Pico Oi a obtenu la note de 2,8/3, alors qu'elle avait été jugée " parfaitement décrite " et l'offre de la société Ouest BTP a obtenu la note maximale de 3/3 alors que l'appréciation littérale indiquait qu'elle était " satisfaisante ".
La cour considère que « ces incohérences avérées et répétées entre les appréciations littérales et les notes chiffrées attribuées aux candidats ont conduit à ce que, pour la mise en œuvre de chaque critère précité, la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, rompant ainsi l'égalité entre les candidats ».
Le rapport d’analyse des offres est un document administratif communicable sous réserve de l’occultation des éléments relatives au secret des affaires
Dans une autre affaire (TA Guadeloupe, 26/01/2023, n° 2001174), le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe a lancé une consultation ayant pour objet " assistance à la maîtrise d’ouvrage pour le transfert des activités du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe vers ses nouveaux sites ". Un soumissionnaire évincé, la SARL M.O.B, réclame, à deux reprises, au centre hospitalier la communication des documents relatifs à la consultation et, en dernier lieu, le rapport d’analyse des offres. Faute de réponse de l’administration, la société saisit la commission administrative d’accès aux documents administratifs (CADA) qui émet un avis favorable à la demande sous réserve.
Rappelons que les documents relatifs au choix de l’attributaire d’un marché public conservent un caractère préparatoire jusqu’à la signature du marché. Par conséquent, certains documents ont un caractère définitif dès leur achèvement et sont immédiatement communicables ; c’est notamment le cas des cahiers des clauses administratives particulières (CCAP), cahier des clauses techniques particulières (CCTP) et règlement de consultation (avis n° 20072665). Dans cet avis, la CADA précise qu’avant la signature, seuls sont communicables les documents qui revêtent un caractère définitif tels que la délibération décidant de lancer l’appel d’offres, l’appel à candidature ou le règlement de la consultation. En revanche, l’acheteur public ne peut pas communiquer les autres documents revêtant un caractère préparatoire. La CADA précise que ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires (art. L. 311-6, Code des relations entre le public et l'administration). En effet, dans une affaire (CE, 30/03/2016, n° 375529), le Conseil d’Etat considère que ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle. Ainsi, il juge que si l'acte d'engagement, le prix global de l'offre et les prestations proposées par l'entreprise attributaire sont en principe communicables, « le bordereau unitaire de prix de l'entreprise attributaire, reflète la stratégie commerciale de l'entreprise opérant dans un secteur d'activité et est susceptible de porter atteinte au secret commercial ; à ce titre, il n’est, en principe, pas communicable ».
Saisi, le tribunal administratif précise que le centre hospitalier ne conteste pas le caractère communicable du rapport d’analyse des offres, sous réserve de l’occultation des mentions relatives au secret des affaires. Toutefois, le centre hospitalier ne justifie ni de la transmission effective du document en cause ni d’une impossibilité matérielle de le communiquer : son refus est entaché d’illégalité.
Les versions provisoires d’un rapport d’analyse constituent des documents internes et préparatoires
Dans une affaire (CAA Marseille, 19/06/2023, n° 21MA02079), la commune de Berre l'Etang (Bouches-du-Rhône) a publié un marché de " nettoiement de la voirie, des espaces publics et des équipements ". La société Hexa Net, évincée, réclame l'annulation du marché conclu avec la société Silim Environnement ; elle considère que le rapport d’analyse des offres a été falsifié.
Saisie, la cour administrative d’appel de Marseille, indique que la seule production de deux documents intitulés dans le bordereau de pièces du demandeur de première instance " rapports d'analyse des offres " et " tableau d'analyse des offres 1ère version " et " 2ème version ", qui constituent des documents de travail internes et provisoires émanant des services techniques de la commune, est insuffisante pour révéler la falsification du rapport d'analyse des offres. De même, la cour estime que « le fait que dans les échanges de courriels, et notamment dans celui du 1er juillet 2019 émanant du directeur général des services techniques transmettant des documents préparatoires à l'analyse des offres au coordonnateur général des services en vue de préparer la commission d'appel d'offres, il ne soit pas fait référence à ces documents de travail, dans l'une de leur version, n'est pas suffisant pour considérer qu'il ne s'agirait pas de documents internes, provisoires, et préparatoires ».
Olivier Mathieu le 06 septembre 2023 - n°124 de La Lettre des Marchés Publics et de la commande publique
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