Dans quelles conditions recourir aux procédures d’urgence Abonnés
L’acheteur public doit motiver le recours à la procédure d’urgence simple
L’urgence simple s’apprécie au cas par cas. La procédure d’urgence simple s’applique lorsque les délais normaux de réception de candidatures et des offres sont rendus impraticables.
Même si cette procédure s’applique au cas par cas, la DAJ (direction des affaires juridiques) précise que l’acheteur public doit toujours être en mesure :
- de motiver le caractère objectif de l’urgence ;
- de justifier l’impossibilité de respecter les délais réglementaires.
Attention : le recours à la procédure d’urgence simple ne peut pas être invoqué du fait d’une carence de la collectivité dans la procédure de mise en concurrence.
Exemple de recours justifié à la procédure d’urgence simple
Dans une affaire (CE, 30/09/1996, n° 164114), le Conseil d’Etat a jugé que le recours à la procédure d’urgence simple était justifié pour un marché relatif au maintien de la propreté dans des espaces publics à proximité de leur ouverture au public. En effet, dans cette affaire, le syndicat de l'agglomération nouvelle des Portes de la Brie a eu recours à la procédure d'urgence en fixant à 18 jours le délai de réception des offres pour le marché relatif au maintien de la propreté sur les espaces publics du secteur IV de Marne-la-Vallée, ceci en raison de la situation créée d'une part, par le retard avec lequel l'établissement public d'aménagement lui a remis les ouvrages et, d'autre part, par la proximité de l'ouverture du parc "Eurodisney".
Exemple de recours injustifié à la procédure d’urgence simple
Dans une autre affaire (CE, 4 avril 1997, n° 145388), le Conseil d’Etat a jugé qu’un retard dans l'engagement d’une procédure d'appel d'offres imputable à l’acheteur public ne permet pas de justifier le recours à la procédure d’urgence simple. En effet, dans cette affaire, le département d'Ille-et-Vilaine a lancé, dans le cadre d’un programme quinquennal de travaux de réfection de la chaufferie, une procédure d'appel d'offres ouvert avec recours à l'urgence en raison de la proximité de la date de la rentrée scolaire. Le Conseil d’Etat a jugé que, si la nature des travaux et la proximité de la rentrée scolaire nécessitaient que les travaux fussent réalisés rapidement, le retard apporté à l'engagement de la procédure d'appel d'offres n’est pas imputable à une cause ne résultant pas du fait du département ; en effet, le juge n’a pas considéré que la signature tardive de la convention avec la municipalité de Monfort-sur-Meu constituait un cas d'urgence ne résultant pas du fait du département.
L’acheteur public bénéficie d’une réduction des délais de consultation
La procédure d’urgence simple présente l’avantage de réduire les délais minimum de réception des candidatures mais également des offres.
Précision : même en procédure d’urgence simple, l’acheteur public doit procéder à l’information des candidats évincés et respecter le délai de suspension de la procédure. En effet, pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée, l’acheteur public, dès qu'il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet. Cette notification précise, aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n'ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature, le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre. Dans ce cadre, l’acheteur public doit respecter un délai d'au moins 16 jours entre la date d'envoi de la notification et la date de conclusion du marché ; ce délai est réduit à au moins 11 jours en cas de transmission électronique de la notification à l'ensemble des candidats intéressés (art.80, CMP).
La phase de réception des candidatures
Pour les appels d’offres restreints et les procédures négociées, l’acheteur public bénéficie d’une réduction de délai de 37 jours à 15 jours.
Précision : ce délai peut être porté à 10 jours lorsque l’acheteur public procède à l’envoi dématérialisé de l’avis d’appel public à concurrence (art. 60 et 65, CMP).
Attention : concernant les appels d’offres ouverts et les dialogues compétitifs, l’acheteur public ne bénéficie d’aucune réduction de délai même s’il motive le recours à la procédure d’urgence simple.
La phase de réception des offres
L’acheteur public ne peut bénéficier d’une réduction du délai minimum de réception des offres que lorsqu’il recourt à la procédure d’appel d’offres restreint ; dans ce cas, le délai de réception des offres passe de 40 à 10 jours (art. 62, CMP).
La procédure d’urgence impérieuse
Principe
Le code des marchés publics précise que peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence les marchés et les accords-cadres conclus pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour l’acheteur public et n'étant pas de son fait, et dont les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais exigés par les procédures d'appel d'offres ou de marchés négociés avec publicité et mise en concurrence préalable, et notamment les marchés conclus pour faire face à des situations d'urgence impérieuse liées à une catastrophe technologique ou naturelle (art. 35, CMP).
Attention : la jurisprudence identifie 3 conditions cumulatives à l’urgence impérieuse ; cette urgence nécessite en effet, l’existence d’un événement imprévisible, d’une urgence incompatible avec les délais exigés par d’autres procédures et d’un lien de causalité entre l’événement imprévisible et l’urgence qui en résulte (CE, 8/02/1999, n° 150919 ; CJUE, 18/11/2004, Commission contre Allemagne, C-126/03).
Précision : l’acheteur public peut également recourir aux marchés négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence pour l'exécution d'office, en urgence, de certains travaux, mais ces marchés sont limités aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence.
Distinguer circonstances imprévisibles et circonstances imprévues
Les circonstances imprévisibles et les circonstances imprévues ne peuvent se définir de manière pertinente qu'en fonction du contexte dans lequel elles trouvent à s'appliquer ; l'article 35-II du CMP permet de recourir à un marché négocié sans publicité préalable ni mise en concurrence pour les marchés « conclus pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur et n'étant pas de son fait ». Ce même article autorise en cas de « circonstances imprévues », la passation selon la procédure négociée sans publicité préalable ni mise en concurrence d'un marché complémentaire à un marché initial. C’est le cas par exemple d’un premier marché passé pour lequel il convient de pallier les insuffisances au vu de la survenance de circonstances imprévues.
D'autres conditions doivent être remplies : les travaux ou services complémentaires doivent être nécessaires à l'exécution du service ou à la réalisation d'un ouvrage faisant l'objet d'un précédent marché ; ces travaux ou services ne peuvent être techniquement ou économiquement séparés du marché principal sans inconvénient majeur pour l’acheteur public, ou s'ils en sont séparables, sont strictement nécessaires à son parfait achèvement. Attention : le montant cumulé des marchés complémentaires ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché principal.
« Les circonstances imprévisibles et les circonstances imprévues doivent toujours être des phénomènes extérieurs aux parties et irrésistibles. Elles se distinguent, cependant, par le degré de probabilité de leur survenance selon les pratiques constatées dans un secteur d'activité donné. Ainsi, si les circonstances imprévisibles sont celles qui déjouent toutes les prévisions des parties, les circonstances imprévues sont celles qui excèdent seulement les vicissitudes de la vie économique (CAA Marseille, 2 octobre 2008, M. François Deslaugiers, n° 07MA00016) ».
QE n° 87442 de M. Pascal Terrasse publiée au JOAN le 07/09/2010 – Réponse publiée au JOAN le 23/11/2010.
Comme pour la procédure d’urgence simple, le recours à la procédure d’urgence impérieuse n’a pas pour objectif de pallier des carences des services de l’administration
En effet, cette procédure ne peut pas résulter d’irrégularités ou de négligences commises dans la passation du marché (mauvaise définition du besoin, difficultés à rédiger un cahier des charges).
Dans une affaire (CAA Lyon, 18 mai 1989, Société Royat automobiles, n° 89LY00042), la régie municipale des eaux municipales de Royat a passé un marché de transport des curistes de l’établissement thermal ; un candidat évincé demande l’annulation de la procédure et une indemnisation pour le préjudice subi. Saisie, la cour administrative d’appel de Lyon précise que le marché litigieux a été attribué selon la procédure du marché négocié, et non selon celle de l'appel d'offres et que, pour justifier l'emploi de cette procédure, la commune se borne à soutenir qu'il y avait urgence. Or, la CAA juge que « ce ne sont pas des circonstances imprévisibles mais la seule carence de la collectivité publique à définir un nouveau cahier des charges et à organiser un nouvel appel d'offres qui a déterminé le choix de la procédure suivie ».
Exemples de procédures d’urgence justifiées
La DAJ précise que les acheteurs publics peuvent passer des marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence par exemple pour :
- entreprendre la réfection des voies gravement endommagées ;
- consolider les ouvrages menaçant de s’effondrer ;
- entreprendre des actions de secours aux personnes sinistrées (solutions d’hébergement provisoire, distribution de repas…) ;
- rétablir le fonctionnement des réseaux (eau, chaleur, téléphone pour un hôpital : CE, 1110/1985, n° 38788).
Exemples de procédures d’urgence non justifiées
La DAJ indique que l’urgence impérieuse ne saurait justifier la passation de marchés négociés sans mise en concurrence par exemple pour :
- reconstruire les bâtiments publics effondrés ;
- assurer le relogement pérenne de sinistrés ;
- réaliser de nouveaux ouvrages (CE, 23/02/1990, n° 69588).
Conseil : l’acheteur public doit prendre les mesures qui s’imposent dans les plus brefs délais ; en effet, lorsque l’on s’éloigne de la date des événements imprévisibles, la nécessité de réaliser des travaux ou de commander des prestations de services présente de moins en moins le caractère d’un cas d’« urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles » (CE, Sect., 26/07/1991, n° 117717). Le juge pourrait reprocher à l’acheteur public de ne pas lancer une procédure d’appel d’offres ou sur le fondement de l’urgence simple.
L’urgence impérieuse permet de recourir à une procédure de passation très allégée
Lorsqu’il recourt à la procédure d’urgence impérieuse, l’acheteur public est dispensé :
- des formalités de publicité et de mise en concurrence (art. 35, CMP) ;
- de la préparation des documents d’un marché. En effet, un simple échange de lettres peut suffire (article 35, CMP) ;
- de la convocation de la commission d’appel d’offres (article 25, CMP).
Les cas d’urgence particuliers prévus par le code de la santé publique et le code de la construction et de l’habitation
Peuvent être négociés sans publicité ni mise en concurrence les marchés rendus nécessaires pour l’exécution d’office, en urgence, des travaux réalisés dans les cas suivants :
- en cas de danger ponctuel imminent pour la santé publique (art. L. 1311-4, CSP) ;
- lorsque l’utilisation qui est faite de locaux ou installations présente un danger pour la santé ou la sécurité de leurs occupants (art. L. 1331-24, CSP) ;
- en cas de danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité d’un immeuble (art. L. 1331-26-1, CSP) ;
- lorsqu’à la suite d’une déclaration d’insalubrité irrémédiable, le préfet ordonne la démolition de l’immeuble, ou, s’il est possible de remédier à l’insalubrité, tous les travaux adéquats (art. L. 1331-28, CSP) ;
- lorsqu’un immeuble a fait l'objet d’une déclaration d'insalubrité irrémédiable, l’autorité administrative peut réaliser d'office les mesures destinées à écarter les dangers immédiats pour la santé et la sécurité des occupants ou des voisins (art. L. 1331-29, CSP) ;
- en cas de refus du propriétaire d’effectuer les travaux nécessaires pour supprimer le risque constaté d’intoxication au plomb des revêtements (art. L. 1334-2, CSP) ;
- lorsqu’une commune procède d'office aux travaux pour faire cesser la situation d'insécurité constatée par la commission de sécurité, dans le cas où un établissement recevant du public est à usage total ou partiel d'hébergement (art. L. 123-3, CCH) ;
- lorsque, du fait de la carence du ou des propriétaires, des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation présentent un fonctionnement défectueux ou un défaut d’entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation, et que le maire fait procéder d’office à l’exécution des travaux (art. L.129-2, CCH) ;
- en cas d'urgence ou de menace grave et imminente, lorsque le maire fait exécuter d’office les mesures préconisées par un expert de nature à mettre fin à l’imminence du danger (art. L. 129-2 et L.129-3, CCH) ;
- lorsque le maire fait procéder d’office aux travaux nécessaires d’un immeuble menaçant ruine (art. L. 511-2, CCH) ;
- en cas de péril imminent, lorsque le maire fait exécuter d’office les mesures préconisées par un expert de nature à mettre fin à l’imminence du péril lié à un immeuble menaçant ruine (art. L. 511-3, CCH).
L’urgence impérieuse peut-elle s’appliquer pour certaines mesures de sécurité dans les lieux pouvant présenter un risque pour le public ?
Récemment, la DAJ (direction des affaires juridiques) vient de répondre à cette question par la rédaction d’une fiche technique (question-réponse du 17/12/2015). La DAJ rappelle que le recours à une procédure d’urgence impérieuse doit demeurer une procédure exceptionnelle car dérogatoire aux principes fondamentaux de la commande publique (liberté d’accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats, transparence des procédures).
Elle rappelle que trois conditions doivent être réunies pour en justifier la mise en œuvre : l’urgence impérieuse doit résulter d’événements imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur ; elle doit également rendre impossible le respect des délais exigés par les autres procédures ; il doit exister un lien de causalité entre l’événement imprévisible et l’urgence impérieuse.
La DAJ considère que « la survenance d’actes terroristes de l’ampleur de ceux du 13 novembre constitue une circonstance imprévisible ». En effet, les circonstances à l’origine de l’urgence impérieuse doivent avoir été imprévisibles et ne doivent en aucun cas lui être imputables (CJUE, 14/09/2004, Commission c/ Italie, Aff. C-385/02).
Le recours à la procédure d’urgence impérieuse n’est pas une obligation mais une faculté
L’acheteur public peut recourir aux marchés à procédures adaptées (art. 28, CMP) en raison du montant estimé du marché ou lorsque celui-ci porte sur des prestations de services entrant dans le champ de l'article 30 du CMP.
Dans le cadre des MAPA, l’acheteur public bénéficie d’une relative liberté pour organiser la procédure de publicité et de mise en concurrence, mais il doit agir dans le respect des principes fondamentaux de la commande publique (liberté d'accès, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures).
« Le II de l'article 28 du CMP précise cependant que ces marchés peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence, lorsque l'une des hypothèses décrites à l'article 35-II est remplie. En effet, il apparaît que, dans ces hypothèses, telles que par exemple l'urgence impérieuse, les marchés complémentaires ou les marchés qui ne peuvent être confiés qu'à une entreprise déterminée, une mise en concurrence serait impossible, inutile ou non efficiente au regard des caractéristiques du marché ou des circonstances de l'achat ».
Toutefois, si ces dispositions offrent à l’acheteur public la possibilité de conclure des marchés de gré à gré sans formalités préalables, elles ne leur imposent pas d'y recourir. L’acheteur public peut, par conséquent, y renoncer et procéder, y compris dans ces hypothèses, à des mesures de publicité et de mise en concurrence avec ou sans phase de négociation (QE n°40123 de M. Fabrice Verdier publiée au JOAN le 15/10/2013 – Réponse publiée au JOAN le 07/01/2014).
Sources : Art. 35, CMP : DAJ ; Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics.
Ludovic Vigreux le 01 février 2016 - n°41 de La Lettre des Marchés Publics et de la commande publique
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